Un beau-fils en mission pour changer le système

2 novembre 2012

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Claire Friedman n’avait rien de la belle-mère qu’on voit dans les comédies à la télévision, ou de celle qui lance des phrases un peu acides. 

Elle était active, vive d’esprit, et aimée de ses amis et de sa famille. 

Alors quand Bernie Weinstein est entré à l’hôpital ce jour de 2002 et qu’il a vu sa belle-mère attachée à une chaise, il a eu un véritable choc. 

« Ma belle-mère était une patiente de l’Hôpital général juif, en convalescence après une opération liée à un cancer, raconte Bernie. C’était une personne très active, constamment en train d’arpenter les corridors et de parler aux gens. » 

Ce vendredi-là, en soirée, Bernie et sa femme Sandy s’étaient arrêtés à l’hôpital pour prendre des nouvelles de Claire. 

« Quand nous sommes arrivés, nous l’avons trouvée assise sur une chaise, attachée, et dans un état comateux, dit Bernie. Elle était pourtant en forme le jeudi d’avant. » 

Le couple s’est adressé à une infirmière pour qu’on leur explique pourquoi Claire, qui était plutôt du genre à ne pas tenir en place, se retrouvait attachée. On leur a assuré que Claire se portait bien. 

« Votre belle-mère a plus de 80 ans, a répondu l’infirmière. Sa tension artérielle était basse. C’est tout à fait normal. Ça arrive tout le temps. » 

L’infirmière leur a aussi affirmé que Claire serait suffisamment en forme pour quitter l’hôpital le dimanche pour la fête des Mères. Claire était un peu redevenue elle-même le samedi, et allait beaucoup mieux le dimanche. 

Bernie raconte qu’il conservait des doutes sur la situation, mais qu’il a mis son inquiétude de côté. Mais lors d’une visite ultérieure, une autre infirmière l’a pris à part et lui a dit que la torpeur momentanée de sa belle-mère était due à une erreur de médicament. 

« On lui avait donné le mauvais médicament, et on nous a menti en nous disant que tout était normal, dit Bernie. Cela m’a vraiment contrarié, et je ne suis pas une personne très réservée. » 

Après plusieurs ébauches – dont le ton a été adouci par Sandy –, Bernie a envoyé une lettre à l’ombudsman de l’Hôpital général juif. Peu de temps après, le Dr Joseph Portnoi, directeur des services professionnels de l’hôpital, a téléphoné à Bernie pour lui expliquer les détails de l’erreur et les mesures prises pour qu’elle ne se reproduise pas. 

Mais ce qui a vraiment surpris Bernie, c’est l’humilité des excuses du Dr Portnoy, se souvient-il. « En mon nom et au nom du personnel, nous sommes désolés. Nous regrettons ce qui est arrivé, et nous sommes désolés de ne pas vous avoir dit la vérité. » 

Ensuite, le médecin a demandé à Bernie s’il souhaitait siéger en tant que représentant de la communauté au comité de gestion de la qualité et du risque de l’hôpital. 

Bernie, qui désormais est aussi membre de Patients pour la Sécurité des patients du Canada (un programme dirigé par des patients de l’Institut canadien pour la sécurité des patients, maintenant Excellence en santé Canada), a contribué à la mise en œuvre d’un grand nombre de changements positifs au sein de l’hôpital. 

L’erreur de médication dont a été victime sa belle-mère a entraîné une enquête auprès de l’entreprise pharmaceutique concernée, qui a par la suite modifié l’apparence du médicament pour le rendre plus facilement reconnaissable. 

Cette affaire est un exemple de cas où le prestataire de soins n’était pas en faute, a souligné Bernie. Il s’agissait d’une erreur technique ou de système, qui en fin de compte avait causé du tort à d’autres patients. 

« Le système devait être modifié, et c’est ce type d’approche qui a été adopté par le comité de gestion de la qualité et du risque », dit-il. 

L’Hôpital général juif a également implanté une politique de divulgation, et Bernie s’est impliqué dans le programme Speak Up de l’hôpital. 

Ce programme fait partie de l’approche en trois volets de l’hôpital pour améliorer la communication entre les médecins et les patients. 

« Il encourage les patients à s’exprimer de manière ouverte et respectueuse chaque fois qu’ils ne comprennent pas ce qu’on leur dit ou qu’ils ne sont pas à l’aise avec ce qui se passe autour d’eux », explique Bernie. 

Le programme Speak Up vise aussi à aider les médecins à améliorer leur communication, et met l’accent sur l’écoute attentive lorsque les patients et leurs familles s’adressent à eux. 

« En général, lorsque vous entrez à l’hôpital en tant que patient, vous perdez tous vos pouvoirs, dit Bernie. Vous pouvez être la personne la plus importante au monde, vous perdez quand même tous vos pouvoirs. 

Mais si on considère les patients et leurs familles comme des partenaires de l’équipe médicale, tout le système s’en trouve amélioré. » 

Claire est décédée quelques années après l’incident, en janvier 2004, à l’âge de 81 ans. Bernie pense encore souvent à elle. 

« C’était une personne très spéciale, dit-il. Elle était très aimée de ses enfants et de ses petits-enfants. Elle restera dans nos mémoires. » 

Bernie apprécie sincèrement le geste de l’Hôpital général juif d’avoir fait amende honorable auprès des proches de Claire. Le problème avec la dissimulation initiale, souligne-t-il, c’est qu’elle a créé un fossé entre l’hôpital et la famille de la patiente. 

« Nous avons eu l’impression que l’hôpital ne nous faisait pas confiance, dit-il. Nous nous sommes sentis sans importance. » 

Les excuses sincères ont rétabli la confiance et les liens. 

« Le fait de recevoir des excuses et des explications donne l’impression de faire partie du processus, et que quelque chose de bon, de positif, est ressorti de l’incident. » 

L’expérience qu’a vécue Claire en matière de soins de santé nous rappelle que lorsque les patients et leurs familles font partie intégrante de l’équipe médicale, le système de santé est plus sécuritaire pour tout le monde.

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