L’absence de soins de santé mentale met un adolescent en danger

27 octobre 2016

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Denice Klavano venait de perdre un de ses fils bien-aimés, et voici que la vie d’un deuxième était en danger. 

Pour cette mère désespérée, le service de santé mentale qui aurait dû être là pour sauver son garçon avait failli lamentablement. Le terme « soins de santé mentale » ne lui semblait guère plus qu’un cruel oxymore. 

L’année d’enfer de Denice Klavano a commencé quand son téléphone a sonné le 13 mars 2006 – un de ces appels qu’aucun parent ne veut recevoir. C’était la police. Son fils de 18 ans, Brad, réserviste dans le régiment Princess Louise Fusiliers, avait été victime d’un accident à l’armurerie de Halifax. 

Lorsqu’elle est arrivée à l’hôpital, un policier l’a accueillie, les larmes aux yeux. Elle s’est dirigée vers la salle familiale de l’hôpital, de plus en plus inquiète à chaque pas. 

« Ensuite, j’ai vu le prêtre et j’ai pensé : “mon Dieu, non, pas le prêtre”. J’avais un pressentiment », explique madame Klavano. 

Trois semaines plus tôt, la carte de don d’organes de Brad était arrivée par la poste pour qu’il la signe. Brad et sa mère en avaient discuté en plaisantant. Brad avait promis qu’il allait la signer, se souvient madame Klavano, tout en montrant son corps de la main et en disant avec un grand sourire : « mais maman, tout ça, c’est juste une location. » 

Brad est décédé après avoir été écrasé entre un chariot élévateur et un camion. L’autopsie a révélé que lorsqu’il a été intubé aux urgences, le tube respiratoire avait été passé dans son estomac plutôt que dans ses poumons. Mais une enquête ultérieure a jugé qu’il n’aurait de toute façon pas survécu aux blessures causées par l’accident à l’armurerie. 

L’hôpital a contacté madame Klavano pour lui révéler l’erreur médicale et lui présenter des excuses. Mais après cela, madame Klavano s’est sentie plus ou moins oubliée et laissée à elle-même, hormis un certain soutien de l’armée. 

« Ils envoyaient des gens chez nous à l’occasion. Nous recevions un appel téléphonique du prêtre pour prendre de nos nouvelles, ce qui était bienvenu puisque nous n’habitions pas la Nouvelle-Écosse depuis longtemps. Nous ne connaissions pas beaucoup de gens. Mais l’hôpital n’a réellement rien fait d’autre. On vous laisse un numéro de téléphone en vous disant : “Appelez si vous avez des questions”. Mais vous n’avez pas la force de le faire. » 

« Quand vous faites le deuil d’un enfant, tout demande une énergie monumentale. C’est vraiment difficile. Les gens parlent d’avancer une journée à la fois, mais je dirais que c’est plutôt un souffle à la fois. » 

Madame Klavano est mère monoparentale et elle devait encore s’occuper de ses trois autres fils. Son plus jeune, Doug, qui était âgé de 14 ans à l’époque, allait très mal. Il était en deuil, très déprimé et malheureux à l’école, à tel point qu’il a tenté de s’enlever la vie par surdose. Sa mère l’a emmené à l’hôpital, où il a été admis un certain temps, mais ça ressemblait plus à une gardeirie qu’à un centre de traitement, se souvient madame Klavano. Les aiguillages urgents vers les ressources externes de soins de santé mentale étaient mal dirigés. Des spécialistes qui prétendaient être à l’écoute ne semblaient pas entendre. Les inquiétudes de madame Klavano concernant l’aggravation de l’état de santé de son fils ont été ignorées alors que la spirale infernale de son fils se poursuivait. 

« C’était l’hiver. Il allait dans le bois derrière notre maison et disait “tu vas avoir deux fils morts”. J’ai rangé tout ce que j’ai trouvé, les médicaments, les couteaux, les cordes et autres dans le coffre de ma voiture et je dormais avec les clés. J’ai pris un congé du travail. J’ai ensuite trouvé un autre emploi moins payant avec des horaires plus souples qui me permettaient d’être à la maison quand mon fils rentrait de l’école et de m’assurer qu’il montait dans l’autobus le matin pour s’y rendre. » Doug a fait d’autres tentatives de suicide. Il se bagarrait, puis il a commencé à consommer des médicaments et de l’alcool. 

« Je n’arrivais pas à faire comprendre à qui que ce soit qu’une grande partie de ce qu’il faisait découlait de son chagrin et de son deuil. Mais tous semblaient s’intéresser davantage à satisfaire les besoins du système plutôt qu’à répondre aux besoins réels du patient et de sa famille. Nous étions désespérés. » 

Après une autre tentative de suicide, les ambulanciers ont emmené Doug à l’hôpital pour adultes plutôt qu’à l’hôpital pour enfants. C’est à cet endroit, après avoir récupéré, qu’il a finalement été pris en charge par une équipe de psychiatrie complète et qu’il a obtenu l’aide dont il avait désespérément besoin depuis le début. Aujourd’hui, Doug est un adulte en bonne santé, il a une fiancée et il est propriétaire de sa propre entreprise. Mais pendant une longue période, au début de sa vie, il était seul au bord d’un précipice.  

Cette expérience a laissé madame Klavano très en colère, mais cela a également provoqué son engagement profond envers le changement. Elle a exigé un examen de sa douloureuse odyssée dans le système de santé mentale juvénile de la Nouvelle-Écosse. Elle a finalement reçu des excuses pour tous les signaux manqués et les nombreuses lacunes dans les soins et le suivi de son fils. 

« Peut-être que nous ne nous serions pas retrouvés dans une situation où mon fils a presque eu besoin d’une greffe du foie », dit madame Klavano en repensant à cette époque. Peut-être qu’il aurait été en mesure de réussir et de terminer l’école au lieu de faire des aller-retour à l’hôpital et de l’automédication avec des drogues. Peut-être que son parcours aurait pu être différent et que notre famille se serait épargné beaucoup de souffrance et de chagrin. » Madame Klavano apporte cette expérience personnelle à son travail quotidien dans les relations avec les patientes et patients à l’Autorité sanitaire de la Nouvelle-Écosse et comme coprésidente de Patients pour la sécurité des patients du Canada. 

« J’espère sincèrement que ce que les gens vont retenir de notre histoire et de nos expériences, c’est qu’il faut demander aux gens quels sont leurs besoins, comment on peut y répondre et comment on peut les servir. Il ne faut pas forcer les gens à suivre tel ou tel parcours, ou leur dicter leurs besoins, il faut plutôt trouver des façons de les rejoindre, de connaître leur point de vue et lde es aider à trouver le bon chemin. J’espère que c’est ce que les gens retiendront. » 

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