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Fournisseur; Leader; Public
6/4/2018 6:00 PM

Sabina Robin œuvre au sein du système de santé depuis plus de 24 ans. Elle est membre de Patients pour la sécurité des patients du Canada ainsi que Championne en sécurité des patients de l'OMS depuis 2006. Depuis la tragique perte de sa petite fille, elle se dévoue activement à la sécurité des patients et promeut l'importance de la divulgation. Sabina apporte également son précieux concours au travail du programme VIREZ en mode sécurité, notamment sur la question de la détérioration de l'état de santé du patient et du rôle que jouent les patients et leur famille dans la reconnaissance de la détérioration clinique.

« Sa vie doit signifier bien davantage que sa mort… »  

« Nous devons être plus grands que notre souffrance. Mon souhait est que tu deviennes espoir… »

En 2004, ma fille Mataya est décédée après qu'elle fut victime d'un événement indésirable évitable. Cela a changé ma vie à jamais. Pour être plus précise, cela a complètement anéanti ma famille, détruit ma vie et mon identité. Tout a déboulé rapidement : Mataya allait avoir 8 mois. Que j'adore cet âge-là, ils commencent à développer leur personnalité et leur caractère. Tout a commencé un dimanche et ça s'est terminé un mercredi.

Dès le départ, j'ai senti qu'on ne m'écoutait pas. À partir de Health Link qui ,en dépit du grand nombre d'hématomes que présentait Mataya, me dit qu'elle était asymptomatique et d'aller consulter dans une clinique le lendemain, jusqu'à l'hématologue pédiatrique qui nous renvoie à la maison, à deux heures et demie de route de tout grand centre urbain, avec une prescription de Prednisone oral, pour un bébé dont le nombre de plaquettes à zéro (on lui a diagnostiqué un PTI) n'allait pas remonter de sitôt puisque du Motrin lui avait été administré pendant les deux jours précédents pour faire baisser la fièvre. Mais pour comble, le personnel médical a fait preuve d'un manque flagrant de considération envers moi, à partir des techniciens de laboratoire, des membres du personnel infirmier et, surtout, jusqu'au médecin résident responsable de ses soins. Personne ne s'est soucié de mes préoccupations concernant ma fille jusqu'à ce qu'il soit trop tard. Mes questions demeuraient sans réponse et étaient vues comme des remises en question. Étant moi-même infirmière, ma frustration de ne pas être écoutée grandissait, et lorsque j'ai commencé à questionner le diagnostic et le traitement, les choses se sont envenimées. Plutôt que d'être partenaire des soins de ma fille, j'étais devenue l'adversaire. L'état de santé de Mataya s'est rapidement détérioré et est devenu hors de contrôle; le mercredi au petit matin, elle souffrait d'une hémorragie intracrânienne si grave que, malgré la chirurgie et les traitements, son cerveau a cessé toute activité. Cela s'est passé il y a 14 ans, certains diront que c'est une éternité, mais encore aujourd'hui, je revis ces événements comme si c'était hier.

Alors, qu'est-ce qui a changé en sécurité des patients depuis ces événements d'il y a 14 ans…? Et bien, « nous » pour commencer. Le « nous » collectif, ce groupe de gens animés d'un même esprit, qui souvent ont vécu des circonstances tragiques qui « n'auraient jamais dû se produire », et qui veulent changer les choses afin de rendre les soins plus sécuritaires pour tous.  

L'organisme Patients pour la sécurité des patients a vu le jour en 2006, chapeauté par l'Organisation mondiale de la santé et constitué d'un petit groupe de personnes, dont moi-même, qui prêtent serment et deviennent des champions de la sécurité des patients. J'ai cru avec un optimisme prudent que nous, moi-même, pourrions influencer les choses… que nous pourrions être « à la source du changement… » L'élaboration des lignes directrices et des principes de la divulgation fut l'un de ces grands moments nés de la nécessité. Des organisations imputables et responsables de leurs actions, des excuses : voilà ce qui a manqué dans mon histoire et dans celle de combien d'autres! La culture elle-même évolue, ce lent virage que promettait mon héros et mentor Jim Conway quelque 14 années plus tôt. La sécurité des patients avance et prospère lorsqu'on s'en occupe. Elle est maintenant acceptée, elle s'impose, elle est désormais l'objectif à atteindre. Mais il reste encore à faire; il nous faut relever les manches et nous mettre au travail. Les événements indésirables évitables ne cessent d'augmenter malgré notre engagement et notre adhésion envers une culture juste et sécuritaire. Le défaut de porter secours demeure l'une des principales causes souches des événements indésirables. La reconnaissance de la détérioration de l'état de santé du patient devrait recevoir plus d'attention et faire l'objet d'un appel à l'action. Vingt pour cent des erreurs sont dues à la commission d'une action, les autres quatre-vingts pour cent sont dues à l'omission d'agir. La collaboration entre l'ICSP, HIROC et moi-même, qui se penche sur « l'omission de reconnaître la détérioration de l'état de santé du patient », montre que l'intégration de patients à la table, en tant que membres faisant partie intégrante de l'équipe de soins, ouvre de multiples possibilités. Une implication dès la première ligne, à chaque point de service et dans l'ensemble de l'organisation.

Ce pire moment de ma vie, survenu il y a 14 ans, a façonné la personne que je suis aujourd'hui.   Depuis Mataya, je suis une meilleure personne dans mes rôles de mère, d'épouse et d'infirmière. Elle m'a appris que tout être, toute chose, a un but à remplir. L'espoir a toujours sa place. Ceux qui sèment dans les larmes moissonnent dans la joie; et le bonheur ne se tient jamais loin. Je vis encore des journées difficiles, mais je mets ma douleur au service du bien. Je choisis la joie. Je m'appuie sur ceux qui m'ont aidée à traverser la tempête. Mataya vivra pour toujours par l'héritage qu'elle a laissé.  

Pour plus d'information :

Pour connaître l'histoire complète de Mataya, cliquez ici.

Pour consulter la page du programme VIREZ en mode sécurité portant sur la reconnaissance de la détérioration de l'état de santé du patient, cliquez ici.