Des profondeurs du pire cauchemar qui peut affliger un parent, Theresa Malloy-Miller a émergé comme une infatigable protectrice des patients dans le système de soins canadien.
Une des premières championnes de la sécurité des patients du Canada, Theresa Malloy-Miller est aussi membre à part entière d'un club dont personne ne veut faire partie.
C'est la triste réalité : les plus ardents apôtres de l'amélioration des soins puisent souvent leur énergie à la source d'une expérience personnelle tragique vécue dans le système de santé. Mme Malloy-Miller ne fait pas exception. En janvier 2003, son mari Tim et elle ont emmené leur fils Daniel, alors âgé de 17 ans, à un hôpital de London, en Ontario, pour traiter ce qui ressemblait à une grippe virulente. Quatre jours plus tard, Daniel est décédé. Une autopsie a révélé une myocardite, une infection cardiaque pouvant causer l'apparition rapide d'insuffisance cardiaque.
L'expérience vécue à l'hôpital a plongé la famille dans un état de choc et de deuil, mais aussi dans la confusion en raison d'une série de signaux manqués, de mauvaises communications et d'erreurs médicales, qui ont, ils en sont convaincus, réduit les chances de survie de leur fils. L'hôpital s'est d'abord terré dans le mutisme, mais la quête incessante de réponses du couple a fini par mener à la première conférence sur la sécurité des patients jamais tenue à London. La démarche de Mme Malloy-Miller lui a valu de devenir l'une des deux premières conseillères aux patients siégeant au Comité pour la qualité des soins et la sécurité des patients et d'être nommée coprésidente du Comité sur l'expérience des patients. Après de multiples enquêtes internes et externes sur la mort de Daniel, les procédures de l'hôpital ont été modifiées et les lignes directrices sur la communication ont été raffermies. Après quatre ans, sous une nouvelle administration de l'hôpital, les Malloy-Miller ont enfin reçu des excuses. L'histoire de Daniel fait toujours partie des formations données au personnel du Centre des sciences de la santé de London.
En 2006, encore éprouvée par le deuil, Mme Malloy-Miller a entendu parler, par hasard, d'une conférence qui allait se tenir cette année-là à Vancouver pour la création de Patients pour la sécurité des patients du Canada (PFPSC), un regroupement de personnes déterminées à promouvoir la voix des patients et des familles dans le système de santé. « Daniel était décédé en 2003, alors cet événement arrivait trois ans plus tard, relate Mme Malloy-Miller, jointe par téléphone à son domicile de Delaware, en Ontario. Ma vie s'était arrêtée, j'avais beaucoup cherché, et j'avais atteint une étape où je devais passer à l'action. » Elle a donc pris contact avec Ryan Sidorchuk, un des organisateurs de la conférence et à l'époque le premier champion international de la sécurité des patients du Canada, qui avait été sélectionné pour participer à un sommet multinational présenté à Londres, en 2005, par l'Alliance mondiale pour la sécurité des patients de l'Organisation mondiale de la Santé. M. Sidorchuk l'a invitée à prendre part à la réunion d'inauguration de l'organisme, à Vancouver. Elle a accepté l'invitation et est devenue une membre active de PFPSC. Depuis, elle travaille sans relâche au contrôle de la qualité et à l'expérience du patient à l'échelle locale, tout en pilotant des initiatives de recherche et de transposition des connaissances au niveau national.
« J'étais en quête de quelque chose, dit-elle en se remémorant cette période. Quand on perd un enfant, notre vie est bouleversée. J'étais en pleine déroute. Patients pour la sécurité des patients préconisait une approche qui me ressemblait. Lorsque je me fixe un but et que j'ai un plan, je me crée un espace où je me sens à l'aise. L'organisme a été pour moi une bouée à un moment où j'avais perdu tous mes repères. » S'activer aux côtés d'autres bénévoles, dont plusieurs victimes d'événements indésirables semblables, a mis un baume sur ses plaies. « Dans le domaine de la sécurité des patients, personne ne peut progresser seul. Il y a trop à faire. Collectivement, notre efficace est multipliée. Chacun s'inspire des gestes des autres, et ensemble, le groupe ouvre de nouvelles portes. »
Son engagement pour la sécurité des patients lui a certainement permis de canaliser une partie de la colère qui l'habitait toujours, ajoute Mme Malloy-Miller. « Ma colère était effroyable. Jamais je n'aurais imaginé pouvoir ressentir une telle rage. Mais ce qui compte, c'est qu'elle m'ait permis de donner une voix à Daniel. »
Questionnée sur les avancées les plus encourageantes réalisées dans le domaine de la santé au cours des dix dernières années, Mme Malloy-Miller n'hésite pas : « C'est avant tout l'acceptation et la nécessité de la voix des familles de patients dans les soins de santé. Ce facteur est vraiment au cœur de la progression des soins. Le fait de positionner la personne qui a besoin de soins au centre de l'équation marque un changement de philosophie radical », affirme-t-elle. Lorsque son fils a été admis aux urgences, elle a senti que son point de vue et l'information qu'elle possédait ne comptaient pas. « Nous connaissions très bien Daniel, mais nos interlocuteurs ne prêtaient aucune attention à notre perspective. C'est la raison même pourquoi mon fils n'a pas pu être sauvé. La seule manière de faire progresser les soins de santé est de placer la personne qui reçoit les soins au cœur des procédures. »
Si elle n'avait qu'un message à adresser aux professionnels de la santé, ce serait que « comme êtres humains, nous avons tous des besoins en matière de santé, et qu'à ce titre, nous faisons tous partie de la même équipe. Il n'y a qu'une équipe lorsqu'il est question de santé. »
Contrairement à bien des collègues du domaine de la sécurité des patients qui intègrent leurs expériences personnelles à leurs activités de défense des droits des patients, Mme Malloy-Miller a arrêté de raconter l'histoire de son fils il y a quelques années. C'était trop éprouvant. Chaque fois qu'elle revivait ces moments, elle mettait des semaines à s'en remettre. Mais elle est convaincue que Daniel, qui avait toujours été un artisan de paix parmi ses amis, serait fier de la force de changement positif qui habite sa mère. Celle-ci a enregistré l'histoire de son fils sur vidéo, d'abord en version longue en compagnie de son mari, puis en version abrégée avec l'aide de l'ICSP. Ces deux vidéos demeurent accessibles.
Mme Malloy-Miller a concentré ses énergies sur les problèmes liés à la sécurité des patients. Elle préside le groupe de travail sur le transfert des connaissances de PPSPC, qui est parvenu, avec le concours du personnel de l'ICSP et en partenariat avec l'OMS, à faire valoir plusieurs enjeux de sécurité des patients sur la scène internationale. À l'échelle locale, elle défend la position des patients dans divers projets et initiatives sur la qualité des soins et la sécurité en milieu hospitalier. Comme membre du Comité hospitalier sur l'expérience des patients, elle a son mot à dire dans l'élaboration de politiques, par exemple sur la divulgation et les visites, en plus de participer aux séances de formation sur la sécurité des patients. Les moyens de promouvoir la sécurité des patients sont nombreux.
En réfléchissant à ce qui la motive à poursuivre ses efforts en matière de sécurité des patients, Mme Malloy-Miller entend la voix de Daniel à ses oreilles. « Il me disait toujours "maman, tu m'énerves", se rappelle-t-elle avec un petit rire. Cette phrase ne m'a jamais quittée. Dans les pires moments, lorsque j'étais complètement anéantie, je l'entendais me répéter "maman, tu m'énerves". Je me disais qu'il aimerait mieux me voir agir de manière constructive plutôt que de me lamenter sur mon sort. » Faire partie de PFPSC a fourni à Theresa Malloy-Miller un moyen positif et concret de contribuer à la sécurité des patients.