Je m'appelle Melissa Sheldrick, épouse, mère, enseignante et militante pour la sécurité des patients. J'ai revêtu ce dernier rôle lorsque mon fils de huit ans, Andrew, nous a été enlevé, à moi et à mon mari, il y a deux ans et demi à la suite d'une erreur de substitution commise par notre pharmacie.
Andrew était un petit garçon en pleine santé qui avait reçu un diagnostic de parasomnie et une prescription de cinq comprimés de tryptophane tous les soirs avant d'aller au lit. La parasomnie regroupe tous les phénomènes anormaux touchant le sommeil; dans le cas d'Andrew, il entrait en sommeil paradoxal deux fois plus vite qu'il aurait dû, ce qui perturbait son cycle de sommeil pour le reste de la nuit. Les comprimés crayeux de tryptophane étaient trop gros pour qu'Andrew puisse les avaler à l'âge de seulement six ans, c'est pourquoi j'ai demandé à sa médecin s'il existait d'autres moyens d'administration. Elle nous a orientés vers une pharmacie spécialisée en préparations magistrales afin qu'Andrew puisse prendre son médicament sous forme liquide. Nous avons suivi ce régime pendant un an et demi. Le vendredi 11 mars 2016, j'ai téléphoné à la pharmacie pour commander un renouvellement. Nous sommes passés chercher la bouteille le dimanche après-midi, puis l'avons placée au réfrigérateur jusqu'au soir. Au moment du coucher, j'ai donné sa dose à Andrew, l'ai bordé et lui ai souhaité bonne nuit. À notre réveil, nous avons été plongés dans un terrible cauchemar.
Pendant quatre mois, nous ne savions pas pourquoi Andrew était mort. Puis, nous avons appris que la bouteille de médicaments qui avait été saisie par la police le dimanche 13 mars ne contenait pas du tryptophane, mais plutôt du baclofène, préparé à la même concentration que l'ordonnance d'Andrew, c'est-à-dire trois fois la dose létale pour un adulte. Une erreur de négligence a coûté la vie à notre fils.
Lorsque j'ai découvert que la pharmacie n'était pas tenue de déclarer son erreur, je me suis sentie incapable de continuer à vivre en sachant que rien n'allait changer et qu'une autre pharmacie pourrait commettre une erreur causant un décès ou des préjudices sans que personne ne l'apprenne jamais. J'ai lancé une pétition réclamant des changements en Ontario, et l'Ordre des pharmaciens de l'Ontario a rapidement créé un programme de déclaration anonyme, Pharmapod, s'inscrivant dans une initiative plus vaste d'amélioration continue de la qualité. Bientôt, toutes les pharmacies d'Ontario devront obligatoirement déclarer tous les incidents liés aux médicaments de même que les incidents évités de justesse afin que les données et les rapports puissent être compilés en vue de prévenir des erreurs futures.
Les erreurs médicamenteuses sont des incidents courants qui causent quotidiennement des préjudices à des patients de tout âge. Comme ces erreurs peuvent être évitées et prévenues, nous devons redoubler d'efforts et mettre en place des règlements et des politiques visant à réduire leur nombre, leur fréquence et leur gravité. La démarche suivie lors de l'examen d'une erreur doit être axée sur la question « que s'est-il produit et pourquoi? », plutôt que « qui a fait ça? ». Cette méthode favorise l'intégration de mesure de prévention aux procédures de la pharmacie dans le but d'éviter la répétition des erreurs. La communication et la collaboration sont essentielles pour maintenir et améliorer la sécurité des patients, et les leçons apprises doivent être partagées. Lorsque les incidents sont consignés et analysés et que les apprentissages sont partagés, l'administration des médicaments devient plus sécuritaire. Et c'est là l'héritage d'Andrew pour les services de santé.
Melissa Sheldrick est enseignante au primaire et membre de Patients pour la sécurité des patients du Canada. Elle a fait partie du groupe de travail sur la sécurité des médicaments de l'Ordre des pharmaciens de l'Ontario et a offert une précieuse contribution à titre de défenseure des patients lors de l'élaboration et de la mise en œuvre d'un programme d'assurance de la qualité continue en matière de sécurité médicamenteuse.