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1/30/2017 5:00 PM

Anne Lyddiatt porte plusieurs chapeaux dans le cadre de ses activités de bénévolat, mais sa priorité est toujours la même : promouvoir la sécurité des patients partout au Canada.

Après de nombreuses années à participer de diverses façons à la bataille pour la sécurité des patients au Canada, Anne Lyddiatt continue d'afficher l'énergie nécessaire pour s'attarder aux menus détails.

Même des problèmes en apparence mineurs peuvent la mettre hors d'elle. Récemment, alors qu'elle attendait son transport dans l'entrée arrière d'un vaste hôpital de Sherbrooke, au Québec, elle a remarqué des affiches sur la sécurité des patients.

Bonne nouvelle, non? Pas du tout. L'emplacement choisi pour poser ces affiches n'était ni une entrée publique ni un secteur fortement fréquenté par le personnel médical.

« J'étais consternée de trouver ces affiches dans un recoin, hors de vue, loin des endroits où circulent habituellement les visiteurs, les patients et le personnel, raconte Mme Lyddiatt. J'avais envie de les décrocher et d'aller les réafficher à l'autre bout de l'hôpital. »

Il y a 10 ans, cette membre ontarienne de Patients pour la sécurité des patients du Canada est devenue la première défenseure de la sécurité des patients au pays, mais le travail qu'elle a accompli pour cette cause est encore bien plus vaste, empreint de son bagage accumulé chez les Infirmières de l'Ordre de Victoria du Canada et comme infirmière enseignante de longue date. Un diagnostic d'arthrite inflammatoire l'a forcée à renoncer aux soins infirmiers pendant de nombreuses années, mais une fois sa maladie maîtrisée, Mme Lyddiatt s'est lancée à corps perdu dans le bénévolat et n'a jamais ralenti.

Depuis 20 ans, elle est formatrice nationale au sein du Programme Patients-partenaires contre l'arthrite. Régulièrement, elle défend le point de vue des patients lors de séminaires sur la Stratégie de recherche axée sur le patient (SRAP), financée par l'unité de soutien de la SRAP de l'Ontario par l'entremise des Instituts de recherche en santé du Canada. En outre, elle vient d'achever un mandat de trois ans au conseil d'administration de La Collaboration Cochrane, qui effectue depuis 20 ans des examens systématiques de travaux de recherche sur les soins de santé humaine et les politiques en matière de santé. Mme Lyddiatt, qui conserve la présidence du regroupement d'utilisateurs de cette organisation, continue de faire preuve d'un dévouement indéfectible pour les patients.

 

« La défense des patients est une cause à laquelle on doit travailler sans relâche, fait-elle valoir. Lorsqu'une occasion de diffuser le message de la sécurité des patients se présente, je considère que si on a la capacité et le temps nécessaires, il faut la saisir à pleins bras. »

En rétrospective, Mme Lyddiatt se dit incapable d'isoler un incident unique qui aurait éveillé son intérêt pour la sécurité des patients.

« C'est plutôt une série de petits événements qui ne devraient jamais se produire, dit-elle. Des erreurs de médicaments, par exemple. À mes yeux, ces incidents sont autant d'accidents en puissance ».

« Quand j'ai commencé à m'investir dans la sécurité des patients, j'ai entendu des histoires qui m'ont fait réaliser que j'étais un peu en retard, puisque plusieurs incidents dramatiques s'étaient déjà produits. Mais j'étais d'autant plus convaincue que ce travail était nécessaire, tout comme la participation des patients. Évidemment, les professionnels de la santé doivent y mettre du leur, mais la contribution des patients ne doit pas être négligée. »

Cette conviction était également fondée sur deux expériences personnelles troublantes vécues dans le système de santé quelques années plus tôt. Sa fille adulte, Jeri-Joann, a enduré une série d'événements indésirables dans des établissements de soins de santé, dont deux épisodes de diarrhée débilitante causés par une infection à C.difficile, avant son décès en 2011. Le manque d'empathie et de compréhension qu'elles ont subi à cette époque a confirmé à Anne Lyddiatt que toute stratégie en matière de soins de santé doit à tout prix être fondée sur la perspective des patients, des clients ou des consommateurs.

« Toute personne faisant appel au système de santé, que ce soit pour elle-même ou pour un membre de sa famille ou un proche, devrait clairement énoncer ses objectifs, ses besoins et ses demandes. Il ne faut pas avoir peur de s'exprimer. Parfois, les buts du patient diffèrent de ceux du soignant, mais il faut trouver un moyen pour que tout le monde puisse travailler dans le même sens. »

Habituellement, Mme Lyddiatt évite de mentionner son expérience d'infirmière dans les nombreuses occasions où elle visite des établissements de soins de santé. Elle préfère se tenir en retrait pour mieux observer.

« Même si je peux en avoir l'air, je n'espionne pas les employés. Je suis parfaitement consciente des obstacles qu'ils affrontent au quotidien », soutient-elle.

« Les soins infirmiers évoluent. La paperasse se multiplie et bien des choses ont changé. Pourtant, je trouve que la sécurité des patients est parfois encore balayée sous le tapis. Les patients et les familles ne trouvent pas suffisamment d'écoute. C'est soit "on n'a pas le temps" ou "vous ne comprenez pas notre travail", ce qui n'est pas toujours vrai. »

« Nous savons que ce phénomène est très répandu dans les hôpitaux, mais je suis particulièrement préoccupée et alarmée par la situation qui prévaut dans les maisons de soins infirmiers et dans les établissements de soins de longue durée parce que souvent, la voix de ces patients n'est pas entendue. Individuellement, ils n'ont pas leur mot à dire et peu d'entre eux peuvent compter sur un proche pour prendre leur défense. Nous sommes tous conscients des histoires d'horreur qui se déroulent dans certains centres – et je n'affirme pas qu'ils sont tous mauvais parce que ce serait faux –, mais c'est certainement un aspect de la sécurité des patients que nous n'avons jamais vraiment examiné et auquel nous allons devoir nous attaquer. »

« Si beaucoup de progrès ont été accomplis en matière d'engagement et de sécurité des patients, il est toujours extrêmement difficile et long de générer des changements dans le domaine des soins de santé et de la médecine, » estime Mme Lyddiatt.

« J'ignore pourquoi, mais lorsqu'on tente d'instaurer une nouvelle façon de faire, les fournisseurs de soins sont généralement réticents, invoquant qu'ils ont "toujours fait comme ça", que c'est la procédure qu'on leur a enseignée et que si ça a toujours fonctionné pour eux, ça devrait aussi fonctionner pour les autres. »

« Je peux comprendre que s'ils ont toujours obtenu du succès avec une certaine méthode depuis 20 ou 30 ans, les gens ne voient pas la nécessité de changer. Pourtant, le monde a changé. Ce sont les facultés de médecine que je blâme. Je suis convaincue qu'elles font de leur mieux, mais je trouve malgré tout qu'elles ne se sont pas adaptées assez rapidement à la nouvelle réalité. »

Mme Lyddiatt fait une évaluation tout aussi sobre du dossier de la défense des patients au Canada. Elle aimerait bien qu'on insiste davantage sur les solutions proposées par des patients plutôt que sur les événements indésirables qu'ils ont vécus.

« J'estime que nous avons parcouru énormément de chemin depuis nos débuts. Beaucoup plus de patients sont mobilisés, et ils le sont plus qu'à l'origine. La pénurie de bénévoles est également révolue », se réjouit Mme Lyddiatt.

« La seule chose que nous avons à faire, c'est d'examiner ce que nous considérons comme de véritables problèmes liés à la sécurité des patients, et d'éviter de simplement en faire le récit. Nous devons proposer des solutions réalistes pour empêcher que ces problèmes persistent. »