Parmi les patients gravement malades dans une unité de soins intensifs, jusqu'à 80 pour cent de ceux-ci sont atteints de délirium ou de délirium non syndromique, et la douleur et l'agitation sont des facteurs de risque associés au délirium. Même si l'on utilise des traitements pharmacologiques pour gérer les symptômes, ceux-ci peuvent précipiter le délirium et sont associés à des risques supplémentaires. Des études ont révélé qu'une évaluation systématique de la douleur et de l'agitation, associée à des « stratégies pragmatiques », permet de réduire les coûts et d'avoir un impact significatif sur les résultats des patients; notamment sur la durée de séjour et les complications.
L'année dernière, des équipes d'USI de tous les coins du Canada, dont 10 équipes pédiatriques et 31 équipes de soins actifs pour adultes, ont participé à une initiative afin d'en tirer des apprentissages sur la douleur, l'agitation et le délirium. Lors du déroulement de l'initiative nationale « PAD Your ICU » (douleur, agitation et délirium à l'USI), ces équipes ont partagé des idées et des connaissances, ont défini des objectifs spécifiques, ont mis en œuvre des essais itératifs du changement et évalué les progrès réalisés et ont partagé une méthodologie éprouvée de changement organisationnel.
Le surlignage systématique du mot « Délirium » sur les fiches de soins de 24 heures des patients a eu un impact significatif sur leurs résultats au Royal Inland Hospital à Kamloops, en Colombie-Britannique (RIH Kamloops). Au cours d'une année, le taux d'adhésion à la procédure consistant à consigner les évaluations du délirium est passé de 40 à 85 pour cent.
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L’équipe PAD de l’Hôpital RIH Kamloops (de g. à dr.) : Brad Holowachuk, physiothérapeute; Tina Chard, ergothérapeute et Holly Delitzoy, infirmière autorisée. |
La méthode d'évaluation de la confusion destinée à l'USI (« CAM-ICU ») est un instrument largement utilisé pour l'évaluation du délirium dans les unités de soins intensifs. L'équipe de RIH Kamloops s'était fixé comme objectif d'identifier et de documenter 80 % des patients de l'USI à chaque quart de travail (q shift) et selon le besoin (prn), grâce à l'outil « CAM-ICU » avant le 31 mars 2017.
« L'évaluation CAM-ICU dure moins d'une minute », souligne Tina Chard, ergothérapeute à l'Hôpital RIH Kamloops. « Certains membres du personnel n'ont pas compris le but de CAM-ICU et de son importance par rapport à la prise en charge et la thérapie du patient. Cette information est essentielle pour les physiothérapeutes, ergothérapeutes et orthophonistes. Pour que l'état de cognition d'un patient soit traité par l'ergothérapie, l'évaluation de la confusion doit être négative pendant au moins deux à quatre jours. »
À partir de janvier 2016, des sondages effectués à RIH Kamloops indiquaient que seulement 40 % des dossiers d'USI avaient identifié le délirium (+ ou -) dans le dossier du patient. Plusieurs changements ont été mis en œuvre pour accroître la sensibilisation : des rondes par les coordonnateurs des soins aux patients; des courriels de formation de l'infirmière éducatrice et des affiches sur le babillard. Grâce à ces changements, l'identification du délirium dans les dossiers était passée à un taux de 50 pour cent à la fin de juin 2016.
« En novembre 2016, nous avons commencé à collecter des données quotidiennes sur une période de 11 jours et avions constaté à l'époque que même si les membres du personnel rapportaient les pointages CAM-ICU aux coordonnateurs des soins aux patients lorsqu'on leur demandait, ces pointages n'étaient pas toujours documentés dans les dossiers de soins des patients » ajoute Tina Chard. « Nous avons commencé à surligner « délirium » dans le dossier du patient, à placer des affiches de style bande dessinée dans les toilettes du personnel expliquant les points clés, à assister aux caucus bihebdomadaires; et le responsable de l'éducation de l'USI envoyait des informations de formation au personnel infirmier. Arrivés au mois de janvier 2017, nous étions fiers de constater qu'un pointage de délirium était inscrit à 85 % des dossiers. »
L'équipe PAD a continué à surligner « délirium » sur les fiches des dossiers jusqu'au 1er avril 2017 et elle mènera un autre sondage en juin 2017 afin de savoir si la pratique de documenter le délirium est suivie. L'équipe étudie également des moyens de diffuser son travail dans d'autres hôpitaux de la région sanitaire Interior Health et continue de travailler pour mieux faire connaître l'outil PRISME en vue d'identifier les facteurs sous-jacents qui causent et perpétuent le délirium; et pour simplifier la stratégie d'amélioration du délirium en la réduisant à trois à cinq étapes.
L'initiative
PAD Your ICU a été conçue, livrée et hébergée par la Faculté de la Collaboration canadienne des soins intensifs et prise en charge par l'Institut canadien pour la sécurité des patients. Sur une période de 10 mois (de février à décembre 2016), le programme a offert cinq webinaires et 11 appels d'équipe durant lesquels les participants ont reçu du contenu clinique combiné à des éléments de la science de l'amélioration expliquant comment mettre en œuvre des changements. Les équipes participantes ont choisi un ou deux objectifs pour la prévention, l'évaluation et le traitement de la douleur, de l'agitation et du délirium, et pour le suivi des performances associées jusqu'en mars 2017.
« Grâce à l'appui de l'Institut canadien pour la sécurité des patients, en collaboration avec la Collaboration canadienne des soins intensifs, nous avons pu relier le personnel médical de différents systèmes », explique Bruce Harries, Improvement Associates Ltd., directeur de la Collaboration canadienne des soins intensifs. « Des occasions de tirer des enseignements des experts de la faculté ont grandement aidé dans le partage d'informations qui n'étaient pas bien connues de l'ensemble des participants du groupe. Les participants nous ont également souligné à quel point c'était utile de pouvoir parler à leurs collègues canadiens qui font face à des problèmes similaires et de faire progresser un peu le traitement du délirium, de la douleur et de l'agitation. »
« Un des thèmes du travail des équipes concernait le travail d'équipe et la communication », ajoute Bruce Harries. « Nous voulons produire une fiche d'une page sur le résultat de ce travail afin d'offrir des conseils sur les mesures que les gens pourraient appliquer. Les participants avaient fait appel à des méthodes différentes pour assurer la réussite de la mise en œuvre dans leur unité. »
Un groupe de discussion assez actif a été créé grâce à l'initiative nationale
Pad Your
ICU. Ce groupe sera intégré au groupe Google
Critical Care Canada, afin que les participants puissent rester en contact avec leurs collègues dans les USI à l'échelle du pays.